Les disparitions forcées : une stratégie pour faire régner la terreur, selon l’ONU
Les disparitions forcées font souvent partie d’une stratégie pour faire régner la terreur. Le sentiment d’insécurité résultant de cette pratique touche non seulement les proches de la personne disparue mais aussi leur communauté et l’ensemble de la société.
Alors qu’elles étaient très répandues au sein des dictatures militaires, les disparitions forcées sont aujourd’hui perpétrées dans de complexes situations de conflit interne, en particulier en tant que moyen de répression des opposants politiques.
Houria Es-Slami, membre du groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires, a expliqué au micro d’ONU Info que même si l’on peut penser qu’il s’agit d’une pratique des années 1970 ou 1980 en Amérique latine ou dans d’autres pays, elle continue d’exister sous d’autres formes dans des pays et des contextes divers. « Elle existe encore et beaucoup de personnes continuent d’être victimes de cette grave violation des droits de l’homme », a-t-elle ajouté.
A l’occasion de la Journée internationale des victimes de disparitions forcées, célébrée chaque année le 30 août 2018 depuis 2011, le Comité des Nations Unies sur les disparitions forcées et le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires appellent tous les États du monde à agir de toute urgence pour rechercher les personnes victimes de disparitions forcées et veiller à ce que ce crime odieux fasse l’objet d’une enquête appropriée.
« Les proches ont le droit, en tant que victimes elles-mêmes, de connaître la vérité sur les circonstances de toute disparition forcée, le lieu où se trouvent leurs êtres chers, le déroulement et les résultats de l’enquête, et finalement le sort de la personne disparue », ont déclaré les experts de l’ONU. « Les mesures visant à établir la vérité et la justice dans les cas de disparitions forcées doivent être effectuées en parallèle et de manière indissociable. Il n’y a pas de vérité sans justice, ni de justice sans vérité ».
La Présidente du Comité sur les disparitions forcées, Suela Janina, a également souligné que « la recherche des personnes disparues est un droit pour les victimes et une obligation pour les États, et devrait être menée de bonne foi, avec diligence et efficacité ».
« En vertu de ces obligations, les États parties à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées doivent immédiatement chercher toute personne disparue. Ils devraient également élaborer des politiques publiques pour faciliter les recherches, et ce, en étroite consultation avec les proches des personnes disparues. La recherche devrait être effectuée conformément à une stratégie intégrale dans laquelle toutes les hypothèses doivent être explorées de manière approfondie », a-t-elle souligné.
« Les autorités chargées de la recherche doivent être indépendantes et disposer de ressources humaines et financières suffisantes; elles doivent dûment coordonner la recherche et avoir un accès illimité à toutes les informations pertinentes pour localiser la personne disparue. Les autorités en charge de la recherche doivent toujours permettre la pleine participation des proches ou de leurs représentants, qui doivent être régulièrement informés des progrès réalisés et protégés contre les risques liés à leur intervention dans la procédure. L’obligation de recherche est permanente et continue, jusqu’à ce que le sort et le lieu où se trouvent les personnes disparues soient déterminés », a ajouté Mme Janina.
Le Comité des Nations Unies prépare actuellement des principes directeurs, afin de procurer des orientations aux États parties à la Convention pour la recherche des personnes disparues, conformément à leurs obligations conventionnelles.
Des normes et des politiques publiques pour mener à bien les enquêtes sur les disparitions forcées
Le Président-rapporteur du groupe de travail, Bernard Duhaime, a déclaré pour sa part : « Alors que les normes internationales fournissent des orientations pour établir un cadre juridique solide dans le domaine des enquêtes sur les disparitions forcées, la question des modalités de la mise en œuvre de ces obligations par les États dans la pratique doit être étudiée plus en profondeur ».
C’est pourquoi le Groupe de travail a décidé d’aborder dans son prochain rapport thématique la question des normes et des politiques publiques pour mener à bien les enquêtes sur les disparitions forcées, a ajouté M. Duhaime.
« Tous les États devraient rendre le crime de disparition forcée passible de peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité. L’absence d’une telle infraction dans la législation pénale crée une situation dans laquelle les disparitions forcées font l’objet d’enquêtes et de poursuites sous d’autres qualifications. Cette situation cause de nombreuses difficultés car elle ne permet pas de prendre les mesures spécifiques nécessaires pour élucider les cas de disparition forcée ; elle peut entraîner des retards et nuire à l’efficacité de l’enquête », a déclaré M. Duhaime.
« Tout retard serait contraire aux dispositions de la Convention des Nations Unies et de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, qui prévoient que les allégations de disparition forcée fassent l’objet d’une enquête approfondie et impartiale qui font parties des obligations internationales. Ces instruments établissent également que toutes les personnes impliquées et/ou menant l’enquête doivent être protégées contre les mauvais traitements, l’intimidation ou les représailles », a-t-il ajouté.
Dans leur déclaration commune, les experts ont regretté avoir trop souvent reçu des informations faisant état de représailles, de menaces et d’intimidation de proches et de défenseurs des droits de l’homme travaillant sur des cas de disparitions forcées. « Il est inadmissible qu’ils ne soient pas soutenus dans cette quête légitime et certainement inacceptable qu’ils en soient empêchés, ou même punis pour les actions qu’ils ont prises », ont-ils dit.
Ils ont appelé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à ratifier rapidement la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à reconnaîtré la compétence du Comité des disparitions forcées pour recevoir et examiner des plaintes individuelles.